Casus Belli - le fan

Dragon magazine n°6 fr : juillet - août 1992

Bon. A l'été 1992, j'ai 11 ans et je rentre en 5ème au collège Jules Vernes. Pour moi ces deux premières années de collège ne sont pas drôles : j'ai un an d'avance et des préoccupations en décalage avec celles des autres élèves de ma classe ; il y a dans ce collège une très mauvaise ambiance entre les élèves en fonction de leurs écoles et communes d'origine, et les découpage de carte scolaire font que je me retrouve dans un autre collège que mes copains d'école. Et je garde aussi de ce collège l'idée d'un endroit où les professeurs n'en ont pas grand chose à faire de leurs élèves, où les problèmes des gamins explosent avec l'adolescence, avec beaucoup de violence contenue dans l'ambiance des classes où je suis. Parmi les gamins que je côtoie en classe, quelques uns finiront dans la drogue dure ou dans des bandes, et certains y sont déjà. Bref, je me sens plutôt seul, avec l'envie de m'évader.

 

Ce numéro 6 de Dragon Magazine, avec son titre de couverture "Rêve et cauchemar" tombe donc à pic en ce début de période estivale !

 

Casus Belli est pour moi le magazine le mieux maquetté du monde. White Dwarf, celui qui m'a amené dans la gourmande passion de la peinture de figurines. Dragon Magazine, pour moi, est la plus belle porte ouverte vers les mondes imaginaires que j'ai jamais ouverte. Faisant largement appel à la traduction et à l'adaptation d'articles parus dans Dragon US, Dragon Magazine comporte aussi des articles français, des chroniques cinéma et jeu vidéo, des news, plusieurs pages consacrées aux figurines par un maquettiste fou (de talent) qui fera carrière à Hollywood chez Stan Winston, une nouvelle, un cahier technique, le courrier et le conseil des sages, deux rubriques souvent croustillantes puisqu'à côté de questions classiques, on trouve aussi les interrogations de "Gros Bills" ou joueurs "qui optimisent" et qui donnent souvent lieu à des réponses fort drôles.

 

Mais le meilleur, bien sûr, ce sont ces articles qui présentent un univers (souvent de TSR et adapté ou distribué par Hexagonal, mais pas toujours), jettent un coup de projecteur sur un aspect particulier de ceux ci (une créature, une profession), ou traitent d'un thème encyclopédique ou conceptuel... Finement écrits, réussissant à présenter à la fois le général et le particulier, richement illustrés (merci Elmore, Easley, Brom, et les autres...), ils ont été pour moi la source de ma culture fantastique... Simplement et définitivement génial, ils méritaient bien les 35 francs du magazine de l'époque (7,63 euros d'aujourd'hui selon l'INSEE, pour un clin d'oeil à ceux qui râlent aujourd'hui à cause du coût trop élevé des magazines vendus aujourd'hui).

 

Bref, parlons un peu tout de même de ce numéro 6. Au programme du magazine, selon le magazine : Lovecraft, rêve de Licorne et Warhammer 40 000. Au programme en plus du magazine, selon moi : les Driders, Mark Hamil dans un film improbable (Mutronics), et une bien jolie nouvelle de Bob Liddil traduite par Roland C. Wagner sur un voleur.

 

Commençons donc par Lovecraft. L'article est constitué d'extraits de l'ouvrage que lui a consacré Houellebecq. En 1991, je connais déjà un peu l'auteur grâce à Casus Belli, j'ai sans doute déjà lu quelques une de ses nouvelles (mes parents sont des inconscients qui me laissent acheter n'importe quoi, notamment l'évasion d'Insmouth que je découvre à ce moment là). Houellebecq décrit fort bien les ressort littéraires qui fondent la spécificité de cet auteur. Un documentaire qualifiera plus tard de "salaud d'une espèce très ordinaire, et pourtant, grand artiste". L'article n'évoque cependant pas du tout le racisme de l'écrivain. Il contient quand même une illustration qui met dans l'ambiance ("Cellule 13"). L'article sur les chasseurs de Shub Niggurath, une créature inventée pour l'occasion, et quant à lui beaucoup plus anecdotique, elle inaugure cependant des dessins de Sorel que l'on retrouve plus loin dans le magazine (et dans d'autres numéros !).

 

L'article suivant porte sur les driders. Ah, les belles bêtes que voilà ! Je vous laisse cette illustration d'Olivier Frot, de quoi faire cauchemarder les enfants, à coup sûr ! Les drows sont définitivement une invention géniale d'AD&D, avec leur background, leurs rites initiatiques, leur déesse démoniaque, l'environnement hostile où ils vivent... Gaps !

 

Le dossier sur les Licorne commence par une nouvelle de Lord Dunsany sur une chasse à la licorne. Perso je ne raffole pas de cet auteur, mais ce récit reste puissamment évocateur. Il est suivi par une "écologie", un type d'article que Dragon Magazine renouvelait périodiquement, et qui lui fournit des tas de sources d'inspirations sur la créature objet du dossier, non seulement sur les moeurs de la créature elle même, mais aussi sur les légendes qui lui sont associées, son usage par les sociétés humaines, ses adaptations dans différents jeux de rôle, la vision que l'on avait de cette créature dans notre univers au moyen âge... Tout cela est fort passionnant, et il y a de la matière pour une bonne histoire autour de ces créatures. Pour l'anecdote, je fis un petit scénario de jeu de rôle à la demande de ma nièce il y a quelques années où elle jouait un hippogriffe, fondé sur une écologie comparable trouvée dans un supplément pour la version Multisim de Glorantha.

 

Dragon consacre aussi dans ce numéro plusieurs pages à Warhammer 40 000 (ce qui me fit sans doute repérer ce magazine comme achetable, car souvenez vous, ma passion pour le jeu de rôle a été en bonne partie activée par Space Crusade !). On peut dire que c'était une véritable offensive en ce début d'année 91 sur cette univers ! Il faut dire que quelques mois plus tard, Games Workshop sortit White Dwarf en français. Des articles et des jeux dans cet univers participaient sans doute à la stratégie commerciale qu'il utilisa ensuite dans son réseau de boutique... Cet article est signé Ken Rolston et un mystérieux rédacteur français, Samwise... En tous cas, il déchire. D'abord à cause de cette illustration d'un Space Marines du Chaos (quoi, je ne vous ai pas dit que j'aimais les Space Marines du Chaos?), et ensuite parce qu'il décrit merveilleusement bien la noirceur punk de cet univers (dans lequel baignait pas mal Games Workshop à cette époque, hey, l'aticle a été écrit en 1989, à l'époque de Rogue Trader premier du nom !) : celle d'une humanité à la recherche d'elle même, à l'aube d'un âge psychique, constamment au bord du gouffre de la guerre et de l'obscurantisme où elle pourrait sans arrêts tomber. Des aspects parfois un peu gommes par la suite, l'effet du libre de bataille sans doute... L'article comporte quelques morceaux de bravoure, ainsi : "Le pouvoir impérial est absolu, comme la loyauté de Ses serviteurs. C'est un âge de ténèbres, d'ignorance et de cruauté : pour sauver l'homme, les joies et les libertés qu'il chérit le plus doivent être écrasées. Mais tant que la vie subsiste, il y a de l'espoir. Là où des hommes font leur devoir, il y a de l'honneur. Là où ils affrontent un ennemi, il y a du courage et de l'héroïsme."

 

Et puis, l'auteur propose aussi une adaptation en jeu de rôle de Warhammer 40 000. Et oui, plus de 15 ans avant Inquisitor ! Evidemment, en moins de 10 pages, le système ne peut pas s’embarrasser de trop de détails, mais tous les aspects du jeu sont abordés, y compris quelques excellentes idées de scénarios tournés vers l'exploration. Bref, que du bon ! Ken Rolston devint plus tard designer pour la série des Elder Scrolls et Kingdoms of Amalur, et à le lire là, rien d'étonnant !

 

Les figurines ; Mark Hamil ; la nouvelle ; extrait en scan des questions des lecteurs ou du courrier

 

Comme d'habitude, je vous laisse un scan de l'index du magazine et de son ours. Tiens, au fait, une anecdote : Je refilais un jour ce Dragon Magazine n°6 à mon copain Jean Christophe dans une pile de vieux magazines de jeu vidéo dont je ne voulais plus et dont il utilisa les découpages pour décorer ses cahiers et sa chambre. Je cherchais le magazine pendant une éternité, avant de découvrir sa carcasse chez lui ! JC voulu bien me rendre (je dû lui reprocher de l'avoir découper et il dû y avoir un "donné c'est donné reprendre c'est volé" suivi d'un peu de bouderie et de reproche entre deux, mais bon...) les restes. Pendant longtemps, il me manqua des bouts d'articles avant que je rachète ce magazine sur Tric Trac. Quelle histoire !

 

Pour finir, voici le logo qu'utilisait Dragon pour terminer ses articles, et que je résiste pas à vous mettre à mon tour.



18/05/2014
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